Über den ARTE-Film: Fasten und Heilen - Altes Wissen und neueste Forschung.

« Le jeûne et les médias » : cette question est avant tout culturelle : on n’y répondra pas du tout de la même façon selon le lieu où l’on se place : les médias allemands et français n’ont en effet pas du tout la même approche du jeûne ... tout simplement parce que la réalité dans les 2 pays est très différente.
Cette réalité est tellement différente qu’Arte a modifié le titre français du documentaire que nous avons réalisé, plutôt que de le traduire littéralement. Le titre en français était simple et direct : « le jeûne, une nouvelle thérapie ? ». Impossible de poser la question en ces termes en Allemagne : la question aurait étonné tout le monde dans un pays où 15 à 20% de la population déclare avoir déjà jeûné.
Nous serions passés pour des naïfs... voire pire! Arte a donc modifié le titre en : « Fasten und Heilen – Altes Wissen und neueste Forschung» ; ce qui, en français, signifie : « le jeûne, savoir ancestral et dernières recherches ».
Un même film, donc, et 2 titres correspondant à 2 réalités différentes : ce n’est sans doute pas un hasard si c’est Arte, la chaine culturelle franco-allemande qui a eu l’audace, en France, de traiter un tel sujet. A l’époque, une chaine franco-française aurait peut être hésité à nous suivre dans un tel projet potentiellement très polémique. Aujourd’hui, c’est un peu différent, mais avant la diffusion de notre documentaire, quand les médias français abordaient la question du jeûne, c’était soit de façon ironique, soit pour dénoncer la pratique.
Pourquoi un tel rejet dans les médias français? Quelques hypothèses :
- Beaucoup de journalistes des rubriques santé sont d’anciens médecins, plutôt enclins à diffuser la parole de l’establishment médical.
- Le souci de prudence et de crédibilité, la peur de mettre l’accent sur une pratique potentiellement dangereuse.
- Il n’existe pas vraiment de culture du journalisme d’investigation dans ces rubriques santé d’actualité. Ex, notre expérience à l’ASCO.
- Enfin, les « experts » ou présentés comme tels par les journalistes sur la question du jeûne, sont la plupart du temps des médecins nutritionnistes plus soucieux de vendre leurs régimes amaigrissants que de lire la littérature scientifique. C’est ainsi qu’au fil des années, 2 ou 3 nutritionnistes français célèbres - toujours les mêmes, quelque soit la chaine de télé ou le journal - ont régulièrement dénoncé dans la presse écrite ou audiovisuelle la pratique du jeûne. On regrettera au passage qu’aucun journaliste n’ait jamais demandé à ces nutritionnistes de citer les études scientifiques leur permettant d’avoir un avis aussi lapidaire que définitif sur la question....
Bref le jeûne, jusqu’à notre documentaire, n’était pas pris au sérieux dans la presse officielle française « mainstream ». En nous permettant de réaliser ce documentaire sur le jeûne, Arte a changé la donne. Si Arte a accepté de nous suivre dans cette enquête, c’est parce que nous avons d’emblée posé notre projet de film comme un documentaire scientifique : nous voulions répondre à des questions simples :
- Est-il dangereux de jeûner ?
- A t’on observé dans le corps, de manière objective, scientifique, les effets du jeûne ?
- Ses effets sont ils bénéfiques ?
Nous voulions faire une démonstration solide pour faire taire les critiques ; et non seulement le film a remporté un record d’audience pour la chaine lors de sa diffusion– il a été diffusé un jeudi soir à 22h30 dans la case sciences - mais surtout, il a été un des films les plus visionnés en Arte + 7, sur internet, après diffusion, en 2012 ! 50 000 Allemands et 110 000 Français ont regardé le documentaire pendant les 7 jours suivant la diffusion. Sans compter les visionnages « sauvages » et nombreux dès que le film a été mis sur youtube par des téléspectateurs....
Bref, gros engouement autour du film repris sur de nombreux blogs. Et non seulement les téléspectateurs ont été au rendez vous, mais la presse a relayé la démonstration scientifique du film, sans la remettre en question, et sans jamais cette fois se moquer de la pratique ! Les pages télé ont annoncé la diffusion, mais le film a également été signalé dans les autres rubriques des journaux, dans les pages santé ou société notamment. On ne s’attendait pas du tout, par exemple, à avoir des articles élogieux dans 2 quotidiens aux lignes politiques aussi opposées que « Libération » et « le Figaro »:
Libération a parlé « d’enquête troublante et rigoureuse » ; le Figaro a écrit : « le documentaire devrait être diffusé en boucle dans les pharmacies et autres drugstores ». Même « Le quotidien du pharmacien » s’y est mis : « on ne peut que vous conseiller ce documentaire » !!!
Bref, on a l’impression que quelque chose est en train de se passer dans la société française. Les responsables de stages de « Jeûne et randonnées » en France, ou encore de lieux qui organisent des cures de jeûne, nous ont confié qu’ils avaient reçu énormément de jeûneurs dans les mois qui ont suivi la diffusion du documentaire sur Arte ; de nombreux stages affichaient complet ; des journalistes, alertés par ce phénomène nouveau en France, s’en sont fait l’écho. L’émission quotidienne de France Inter, « Service public », qui explore les phénomènes nouveaux de consommation, nous a ainsi invités dans l’émission plus de 6 mois après la diffusion, non pas pour parler du film, mais de la pratique du jeûne.
Bref, nous assistons en France à un phénomène autour du jeûne , quelque chose dont nous avons du mal encore à mesurer l’ampleur ; les patients bougent, et c’est peut peut-être par eux que la révolution viendra : à l’heure où les scandales liés aux effets secondaires des médicaments se multiplient, où le nombre de pathologies chroniques explosent, de plus en plus personnes prennent leur santé en mains : ces patients informés vont demander à leurs médecins de se tenir au courant des dernières recherches scientifiques. Le journal « le Monde » du 19 juin 2013 a consacré 2 pages à ces nouveaux patients présentés comme « patients acteurs de leur maladie ». L’accès à internet a changé le comportement des malades ainsi que la relation avec les soignants. Les médecins vont être de plus en plus obligés de travailler différemment avec ces patients informés qui ont décidé de se faire entendre.
Et qui, s’ils ne sont pas entendus, c’est le pari qu’on peut faire, vont se soigner en recherchant des méthodes alternatives aux traitements, et sans doute aussi des lieux pour les appliquer, comme ici en Allemagne ou même en Russie, là où des systèmes de traductions commencent à être mis en place. Beaucoup de Français déjà, traversent la frontière pour se soigner. Bref, on dirait que la roue de l’histoire tourne...
Aujourd’hui, peut être grâce à l'apport du film, qui s'appuie sur la science, grâce aussi au changement d'attitude des patients, les médias français commencent à prendre le jeûne au sérieux.
Et parions que le livre que publiera Thierry de Lestrade en septembre 2013, livre qui poursuit et approfondit l’enquête exposée dans le documentaire, devrait contribuer encore au débat sur cette pratique encore méconnue en France par le monde médical.

Sylvie Gilman, Paris

Unabhängige französische Filmregisseurin. Seit 10 Jahren spezialisiert in der Information von BürgerInnen über Gesundheits- und Umweltthemen. Dreh-Filmpartner und Lebensgefährte: Thierry de Lestrade. Prix Europa für den Film „Mâles en péril“ über männliche Fertilitätsstörungen. Letzte Filme für Arte: „Fasten und Heilen“ und „Secrets de longévité“.